La modification du Livre VI du Code de Commerce qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2021 suscite déjà un certain nombre d’interrogations, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des classes de parties affectées et le vote par ces classes, des projets de plans de sauvegarde ou de redressement qui leur seront présentés.
Au-delà de ces dispositions qui ont d’ores et déjà donné lieu à de très nombreux commentaires et réactions, il ne faut pas négliger les retouches textuelles opérées par le rédacteur de l’ordonnance n°2020-1193 du 15 septembre 2021, qui peuvent paraître, au premier abord, anodines, mais qui doivent néanmoins attirer l’attention au regard des conséquences pratiques qu’elles pourraient entraîner.
Parmi ces modifications, figure celle de l’article L.642-12 alinéa 4 du Code de Commerce qui impose, en cas de plan de cession, au cessionnaire d’un actif cédé, grevé d’une sûreté réelle garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre de financer le bien sur lequel porte la sûreté, de régler entre les mains du créancier les échéances qui restent dues à compter du transfert de propriété ou en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie.
Ce texte, particulièrement important pour les établissements bancaires, titulaires de sûretés réelles, permet de garantir le remboursement des financements octroyés, et a donné lieu à de nombreux débats, notamment en ce qui concerne le régime et les modalités de mise en œuvre de cette obligation particulière mise à la charge du cessionnaire.
En dépit de certaines controverses doctrinales qui sont demeurées, la jurisprudence avait, peu à peu, affiné les contours de ce texte et édicté un certain nombre de principes qui ne semblaient pas devoir être immédiatement remis en cause.
Ainsi, était-il globalement admis que l’obligation spécifique de règlement mise à la charge du cessionnaire, ne devait pas être assimilée à une cession de contrat, le prêt n’étant pas un contrat en cours au sens de l’article L.622-13 du Code de Commerce, mais bien un contrat à exécution instantanée.
Le transfert de la charge de la dette, institué par l’article L.642-12 alinéa 4 du Code de Commerce ne devait donc pas être assimilé au dispositif mis en œuvre par l’article L.642-7 du Code de Commerce, permettant ou imposant le transfert au cessionnaire désigné par le Tribunal des contrats en cours (i.e. : crédit-bail ; location financière, etc…), et des obligations en découlant.
Il était résulté de ces principes un certain nombre de conséquences.
Ainsi, la jurisprudence avait-elle considéré que le transfert de la charge des sûretés et l’obligation corrélative à paiement imposée au cessionnaire, ne libéraient pas le débiteur principal qui restait théoriquement tenu du règlement de la dette.
Il s’en inférait une conséquence essentielle pour les cautions qui demeuraient engagées à l’égard du créancier, nonobstant le transfert, au cessionnaire, de l’obligation à paiement.
En d’autres termes, en cas de défaillance du cessionnaire désigné par le Tribunal, le créancier disposait, non seulement, d’un recours à son égard, mais également, de la faculté de mobiliser l’engagement de caution souscrit initialement, dès lors que le débiteur principal dont l’obligation était garantie par l’engagement de caution, demeurait tenu.
Or, le rédacteur de l’ordonnance du 15 septembre 2021 a, sous couvert d’un toilettage de l’article L.642-12 alinéa 4 du Code de Commerce, modifié substantiellement le régime qui vient d’être rappelé, en précisant que si le cessionnaire est tenu d’acquitter entre les mains du créancier qui a régulièrement déclaré sa créance dans les délais prévus à l’article L.622-24 du Code de Commerce, les échéances (…) qui restent dues à compter du transfert de la propriété (…) du bien sur lequel porte la garantie, le débiteur est libéré de ces échéances.
En d’autres termes, et alors même qu’initialement, l’entreprise assujettie à la procédure collective demeurait tenue des engagements souscrits initialement, le nouvel article L.642-12 alinéa 4 du Code de Commerce précise que le débiteur initial est libéré du paiement des échéances dues postérieurement au transfert de propriété de l’actif grevé.
Cette rédaction, dont il pourrait être considéré à première vue qu’elle n’emporte pas de conséquence pratique, tant l’obligation à paiement du débiteur initial demeurait théorique après qu’un plan de cession total ait été adopté, interpelle néanmoins quant au sort des engagements de caution qui ont été souscrits.
En effet, s’il devait être considéré que la nouvelle rédaction de l’article L.642-12 alinéa 4 du Code de Commerce anéantit purement et simplement l’obligation à paiement initial du débiteur assujetti à procédure collective, il devrait alors être admis que la caution qui s’est engagée initialement est, par voie de conséquence, libérée de toute obligation à paiement, à tout le moins, au titre des échéances dues postérieurement au transfert de propriété de l’actif.
Il en résulterait donc un amoindrissement des droits du créancier titulaire d’une sûreté réelle qui verrait alors ipso facto l’un de ses recours, en l’occurrence, celui dont il disposait à l’égard de la caution, anéanti par l’effet de la libération du débiteur initial.
Il appartiendra certainement à la jurisprudence de trancher cet aspect et, plus globalement, les conséquences de la libération du débiteur initial, instituée par la nouvelle rédaction de l’article L.642-12 alinéa 4 du Code de Commerce.
Il importe cependant d’ores et déjà que les bénéficiaires de telles sûretés, au premier rang desquels figurent les établissements financiers, prennent en considération cette modification textuelle lorsqu’il s’agira d’appréhender les conséquences d’un plan de cession.
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